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Vœux pour 2024 : nombreux seront nos ennemis

À travers les crises, les guerres et les tempêtes, l’art vivant est plus indispensable que jamais. Quelques vœux lucides et subversifs pour notre secteur en 2024.


Durant la pandémie, l’art était l’oasis dans le désert où confinement et télétravail s’étendaient à perte de vue. Les séries télés, livres et podcasts offraient un peu de réconfort aux publics, alors que les subventions bonifiées en offraient aux artistes en arts vivants. Par ce geste, on croyait qu’enfin, on avait compris l’importance de notre rôle, finançant nos idées embryonnaires afin qu’elles se déploient au sortir des jours sombres et accompagnent le public au jour le jour.


Force est de constater que cette époque où les masses se retournent vers les arts en temps de crise est révolue. Alors que les représentations sont annulées faute de financement conséquent et d’audiences au rendez-vous, le public semble se détourner d’une crise… en prenant connaissance d’une autre. L’enchaînement des guerres, des catastrophes naturelles et des dérives socioéconomiques ne laissent aucun répit à l’âme qui se trouve malgré elle sans cesse aimantée à de nouvelles problématiques qui la drainent. L’ennemi commun qu’on pouvait combattre à coups de poésie et de créativité s’est tellement multiplié qu’on a désappris – en tant que société – à l’appréhender sur plusieurs fronts. Résultat : on éparpille attention et fonds publics, fragilisant les institutions porteuses de beauté et d’interrogation.


Alors que faut-il se souhaiter pour 2024 ? Une simplification des enjeux pour faire plus de place à l’art dans l’esprit collectif ? Un retour aux années 20, où l’excès de lumière ne couvrait qu’une chute à venir encore plus grande ? Entre les réseaux sociaux qui glorifient les chambres à échos et les salles de nouvelles qui magnifient les fins du monde, quel espace pour se rêver ?



Chez CAPAS, nous croyons qu’il faut renouer avec la culture populaire !


Non pas au sens populiste, qui fait feu de tout bois en présentant des spectacles sans recherche ni virtuosité. Ou popularité, où l’important est l’adhésion de masse au détriment d’un réel regard critique sur notre monde.


Populaire au sens de pluriel, démocratique, humain. Un art vivant varié, sensible qui s’adresse à tous et qui interroge tout. À la multiplication des crises, répondons par la multiplication des œuvres. Bien produites, et bien intégrées dans un écosystème actuellement saturé.


Populaire au sens de tourné vers la lumière réelle des gens. S’éloigner du prisme déformant et abyssal du virtuel pour retrouver la chaleur unique d’un spectacle éphémère, rare, sacré.


Populaire au sens de rassembleur. Le retour des sorties ensemble, en famille, entre amis pour s’émouvoir devant une œuvre qui nous fait vibrer. L’invitation du plus grand nombre à se reconnaître dans l’excellence d’ici, à se rappeler que nous créons pour leur tendre la main. Leur parler. Et les écouter.


Populaire au sens d’accessible. Un art qui choisit d’aller à l’encontre des inégalités financières en se dotant des structures nécessaires pour que la création contemporaine puisse être fréquentée par le plus grand nombre sans compromettre l’avenir de nos professionnels.


Populaire au sens de rigoureux. Offrir aux publics des œuvres de qualité qui en appellent autant à leur intelligence qu’à leur émotivité. Donner aux créateurs d’ici les moyens de leurs ambitions pour montrer qu’avec le soutien de leurs institutions, ils savent illuminer les zones d’ombres.


Populaire en phase avec le monde actuel. Qui prend acte de l'influence de l’intelligence artificielle et de l’importance du développement durable tout en prenant conscience des ressources dont dispose le milieu des arts pour les intégrer harmonieusement dans ses pratiques.


Populaire au sens de près de nos publics. Produire et diffuser en ayant les yeux ouverts sur notre société, ses envies autant que ses enjeux. Propulser des œuvres qui vont réellement séduire les audiences pour pérenniser le secteur, sans faire de compromis sur la profondeur de l’art.


Au même titre que le dadaïsme des années 30 était la réponse crue à l’absurdité des guerres, l’art des années 2020 doit être la réponse sensible, rigoureuse, forte, lumineuse et solide face à la dureté du monde. En 2024, nous pouvons donc nous souhaiter un art plus populaire par sa résilience, sa main tendue vers le public et son désir de voir au-delà des tempêtes. Devant l’abondance de crises, une seule solution : rêver plus fort, tous ensemble, à ce dont l’avenir devrait véritablement ressembler.


Comme le disait Geneviève Desrosiers :

« Nombreux seront nos ennemis.

Tu verras comme nous serons heureux. »


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