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Primospectateurs : Faites de la première fois une révélation

Où trouver de nouveaux publics pour la danse ? Peut-être ailleurs que dans les salles.


Billet 1

Dans un contexte où les salles de spectacle peinent toujours à se remplir trois ans après la réouverture des salles – particulièrement pour la danse –, attirer ces primospectateurs avec soin et créativité devient également un enjeu stratégique. Ce défi ne se limite pas à l’amélioration de l’expérience immédiate du spectateur pour intéresser celui qui n’a jamais mis les pieds dans une salle; il touche directement à la pérennité des institutions culturelles. Toute démarche pour une fréquentation accrue des théâtres vient renforcer les arguments pour le maintien ou l’obtention des subventions publiques. Alors que différents mouvements tentent de faire comprendre au gouvernement la pertinence économique et sociale de la culture pour favoriser un meilleur investissement, il est donc impératif de trouver un équilibre entre la quête de nouveaux publics et la dépendance au financement public pour maintenir et développer l’offre culturelle.


Où la main de l’homme n’a jamais mis le pied

Comme tout un chacun le sait, chaque siège vide dans une salle de spectacle est une opportunité manquée, non seulement sur le plan financier mais aussi symbolique. C’est d’autant plus vrai en danse, où les parterres clairsemés menacent la diffusion d’artistes québécois pourtant vendus à salle comble à l’international. Pour cela, il est essentiel de rejoindre les primospectateurs là où ils sont : en périphérie des spectateurs réguliers, ou dans des activités culturelles connexes : gastronomie, artisanat, télévision, etc. Pour les aider à mettre les pieds dans une salle de spectacle pour la première fois, il faut créer un pont d’un intérêt à l’autre et créer une expérience positive et mémorable qui les incitera à revenir.


Voici quelques exemples d’initiatives concrètes pouvant améliorer cet accueil :

  • Les programmes de parrainage : Inviter des spectateurs réguliers à accompagner des novices, à travers un rabais significatif autant pour le parrain que pour le parrainé. Cette approche permettrait de briser les appréhensions, en rendant l’expérience plus conviviale et moins intimidante, misant sur le transfert du point de vue positif de l’habitué vers le néophyte. Après tout, la meilleure publicité pour une institution réside chez ses principaux convaincus.

  • Les cartes ou passeports culturels : Développer des initiatives comme un passeport « Ma première danse » qui offrirait une première entrée gratuite ou à tarif réduit. À Montréal, des dispositifs similaires existent dans certains musées, mais ils pourraient être élargis à toutes les formes de spectacles vivants. Pour encourager la découverte, chaque spectacle assisté pourrait donner droit à des avantages pour d’autres événements.

  • Les rabais tou.tv : Sur présentation d’une preuve d’inscription à une plateforme de visionnement en ligne, offrir un rabais sur l’achat de spectacles sélectionnés pour leurs atomes crochus avec la télévision (ambiance, thématiques, références). L’idée est de transposer l’intérêt télévisuel vers la curiosité scénique, en plus de mieux rentabiliser les campagnes de publicité faites sur internet : quoi de plus pertinent que de voir sa vidéo interrompue par une annonce qui invite à voir un spectacle à bas prix en lien direct avec cette même vidéo ?

  • Les commissaires : Demander à une personnalité d’assister la direction de la programmation pour créer une série de spectacles de danse. Au-delà du fait que ces spectacles seront choisis selon les goûts de la communauté en tête, la notoriété de la personnalité jumelée à la série facilitera la connexion avec des audiences. Cette personne peut être issue du diffuseur (un programmateur d’expérience), du monde de la danse (un chorégraphe en vue de la région), ou pourquoi pas d’une autre discipline, pour créer un transfert de notoriété ? Un exemple : Louis-Josée Houde (humour) qui a fait la promotion de la lecture (littérature).

  • Les soupers spectacles… de danse : Jumeler un rabais particulièrement avantageux d’un restaurant partenaire en exclusivité avec un spectacle de danse. Ainsi, plutôt que de faire du restaurant un ajout sympathique à une sortie au théâtre, c’est la sortie au théâtre qui devient complémentaire à une expérience gustative de qualité. On espère attirer ainsi les gastronomes vers les théâtres, plutôt que les spectateurs vers les restaurants.


Peu importe l’initiative, l’objectif est de produire une accroche depuis l’un des centres d’intérêts actuels des primospectateurs (amis, télévision, humour, restauration, etc.) vers la danse en diminuant les obstacles qui les freinent : peur de ne pas comprendre, prix du billet, peu rejoints par la publicité, etc.


Réconcilier subventions et développement de public

Sans subventions, il est pratiquement impossible de développer de manière significative un nouveau public. Organiser des événements d’introduction, offrir des spectacles gratuits ou réduire les prix pour créer des incitatifs nécessitent des ressources importantes. Ces efforts ne peuvent être financés uniquement par la billetterie. Toutefois, il est également vrai que les subventions elles-mêmes dépendent de résultats concrets. Si les salles continuent de se vider, certains décideurs pourraient remettre en question la pertinence de l’investissement public dans la culture. Comment faire pour sortir de cette boucle sans fin ? En assumant sa part de responsabilité de part et d’autre. En diversifiant audacieusement ses manières de rejoindre les publics, le programmateur et son équipe marketing peuvent espérer rejoindre de nouvelles audiences, indispensable pour la survie de nos institutions. À l’inverse, les gouvernements doivent reconnaître l’apport essentiel de la culture au paysage culturel, mais également économique et social de la province : les études qui montrent comment chaque dollar investi en culture se multiplie sont légions. Personne n’a à faire le premier pas : il faut le faire conjointement.


Nos enfants, voisins et amis qui ne sont pas dans les salles de spectacle sont peut-être la clé vers un avenir plus solide pour notre culture. En prenant la main de ces personnes chères et en leur montrant où se joue la culture québécoise, où se débattent les idées et où se rêve un monde au-delà des enjeux actuels, on peut aspirer à des arts vivants plus forts, et à une identité collective plus affirmée. À une époque où les pays se battent – commercialement ou violemment – pour imposer leur identité sur les autres, une de nos meilleures armes est d’apprendre à connaître qui nous sommes, et qui nous pouvons être en cohabitant avec les autres. Et quoi de mieux que l’art pour nous découvrir ? Vous pourrez dire ça à votre prochain souper de famille : peut-être trouverez-vous ainsi quelqu’un pour vous accompagner à votre prochaine sortie de danse ?

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