Aperçu des stratégies québécoises et internationales de développement des publics innovantes qui font déjà école.
Comprendre les nouveaux besoins
Les arts vivants ont répondu à l’appel durant la crise pandémique : ils se sont renouvelés. Webséries, diffusions en direct, œuvres numériques en location, créations interactives… les innovations se sont succédées dans l’urgence de conserver un contact avec les publics. Maintenant que les salles ont rouvert à pleine capacité, cette fougue s’est cachée derrière une envie (légitime, il va sans dire) de retrouver nos espaces, nos habitudes, reprendre la discussion avec nos audiences là où nous l’avions laissée dans le portique du théâtre.
Mais les spectatrices et spectateurs ont appris durant le confinement à choisir leurs activités artistiques en fonction de nouveaux critères. On cherche maintenant ce qui s’adapte à notre horaire plutôt que de s’adapter à celui d’une programmation. On veut se déplacer pour vivre quelque chose de grandiose qui dépasse ce qu’on retrouve dans son salon. On pense ses finances différemment. On veut privilégier les conseils d'amis. La liste des changements de comportements du consommateur d’art est longue, devenant l’une des problématiques majeures de la relance actuelle (lire à ce sujet notre édito « Entre engorgement et agilité : nos constats de la relance culturelle »).
Faire évoluer le rôle des agences
Sachant que cette relance demande des efforts spéciaux pour ramener les anciens et nouveaux publics en salle, les stratégies de développement des publics doivent être les prochaines à être réinventées. C’est dans cette mentalité que nous entamons une réflexion large sur notre rôle au sein de l’écosystème culturel. Par la place privilégiée qu’occupe une agence à titre de facilitatrice de dialogue entre les salles de spectacles, les artistes et les publics, son mandat est amené à dépasser la simple relation mercantile. Ainsi, les agences doivent se positionner comme partenaire des programmateurs pour réfléchir main dans la main avec eux les meilleurs moyens pour faire de chaque programmation un succès artistique et commercial.
Un des atouts majeurs de notre label (qui se revendique de l'esprit des agences) : notre contact régulier et élargi avec l’international, qui regorge de solutions fruitées pour remplir les salles. Si 2023 sera une année toute en innovation stratégique pour le label, nous ne vous ferons pas attendre jusque-là pour vous faire part des tendances qui semblent se dessiner grâce à l’ingéniosité de nos collègues d’ici et d’ailleurs. Voici donc quelques orientations à surveiller en termes de développement des publics. Divulgâcheur : emprunter des stratégies à d’autres secteurs (tourisme, divertissement, etc...), ça rapporte!
Tendances 2023 pour développer ses publics
Miser sur les données
Les mentalités ont beaucoup cheminé ces dernières années face à la collecte de données. D’une part, le public se montre moins réfractaire à communiquer des informations sur lui dans un formulaire en ligne s’il en retire un avantage mesurable. De l’autre, plusieurs programmateurs ont compris qu’il faut débuter l’expérience client par la collecte de données - plutôt qu’attendre à la fin - si on veut réellement mettre en place une stratégie proactive. On observe ainsi le déploiement d’initiatives telles que :
Une carte de fidélité offrant des avantages selon les intérêts exprimés dans des sondages ponctuels;
Des produits à rabais ou gratuits (verre de vin, 2 pour 1 sur le billet) en échange d’informations : âge, situation géographique, intérêt, etc.
Un des chantiers principaux de CAPAS en 2023 : placer la donnée au cœur des stratégies. Parce que mieux connaître son public, c’est mieux le rejoindre.
Mobiliser les publics par l’humain
Après des mois de distanciation sociale, les liens humains ont pris une symbolique toute particulière. On préfère maintenant les rapports de proximité, en microcosme : recevoir un conseil de la part d’une personne en qui on a confiance a plus de valeur que de la part d’une institution sans visage. C’est pourquoi de nombreux programmateurs font maintenant appel à différents types d’influenceurs pour parler à leurs audiences :
Des influenceurs macros qui ont été élevées au rang de référence par une communauté et dont la voix non institutionnelle est diffusée largement.
Influenceurs sur les réseaux sociaux;
Personnalités publiques.
Des influenceurs micros, qui ont une opinion valorisée et influente dans des cercles physiques restreints.
Professeurs;
Têtes fortes d’un groupe d’amis;
Personnalité de quartier;
Chef de communauté.
Ces individus deviennent alors les ambassadeurs non officiels du programmateur en échange d’une rémunération ou de billets, afin que le public soit lui-même l’instigateur de son propre développement.
Investir dans la jeunesse
Pour assurer la pérennité des arts vivants, il est important de fidéliser les jeunes spectateurs. Si les tarifs avantageux par tranches d’âge sont déjà monnaie courante et se sont montrés relativement efficaces, d’autres initiatives axées sur l’âge commencent à faire leurs preuves :
Payer le montant exact de son âge (ex. 18 ans = 18$), pour adapter ses prix selon les moyens de chaque tranche d’âge;
Choisir un âge et offrir à toutes les personnes qui l’ont une année gratuite, pour fidéliser un même public cible d’un seul coup;
Inverser le rapport de force : ce sont les enfants qui invitent les parents au théâtre grâce à une gratuité pour tous les 18 ans et moins.
Certes, ces initiatives peuvent demander un certain sacrifice sur le bénéfice, mais il sera toujours gagnant d’investir dans la jeunesse.
Simplifier la vie des spectateurs
Maintenant habituées à consommer l’art dans l’environnement contrôlé qu’est leur propre maison, les audiences voient le fait de se déplacer vers un lieu comme une étape compliquée. Proposer des services connexes qui visent à faciliter le parcours du public jusqu’au siège du théâtre peut devenir un argument qui l’encourage à s’abonner, tel que :
Un service de garde à peu de frais à même le théâtre sur les heures de représentation;
Un promeneur de chiens gratuit;
Un service de voiturier;
Une ligne express de transport en commun avant et après le spectacle.
Offrir une expérience au-delà du spectacle
Le public souhaite maintenant sortir de chez lui lorsqu’il est certain de vivre un événement que son foyer ne peut pas reproduire. L’environnement entourant la représentation devient alors important pour assurer une expérience de qualité du début à la fin, incitant tout un chacun à mettre le nez dehors plus souvent :
Offrir des produits de qualité ou rares au bar ou au restaurant;
Vendre à l’avance et à rabais les consommations pour forcer le déplacement;
Au-delà de la musique, adapter également les odeurs de la salle au spectacle;
Offrir un souvenir physique à la sortie du théâtre.
CAPAS a notamment implanté cette année le BILLET+ qui propose une expérience numérique interactive complémentaire à l’œuvre, pour prolonger le contact avec l'art et, incidemment, avec le programmateur.
S’adapter aux nouveaux modes de consommation
Les services en ligne ont habitué les publics à de nouvelles façons de payer ou de modifier leurs achats qui ont un objectif de fidélisation dans leur ADN. Certains programmateurs ont décidé d’emboîter le pas :
Proposer un forfait à paiements égaux à l’année pour remplacer la formule d’abonnement à un seul paiement majeur par an;
Permettre des changements de sièges et de date en libre-service en ligne sans pénalité;
Offrir des billets avec des avantages marqués : consommation de qualité supérieure incluse, coussin additionnel, billet œuvre d’art à conserver.
Ces formules peuvent ainsi rejoindre autant les petits budgets, les indécis que les clients plus haut de gamme.
Conclusion : Pour une nouvelle proximité
On parle souvent de la médecine personnalisée comme de la prochaine innovation qui révolutionnera le milieu de la santé dans quelques années. Mais la culture personnalisée, elle, est déjà à nos portes. Le public la réclame et la consomme en priorité. Pour que les arts vivants tirent leur épingle du jeu, il leur faut trouver cette manière de discuter un à un avec chaque membre de son audience. C’est l’ère d’une nouvelle proximité, d’une nouvelle intimité avec nos audiences. En facilitant le dialogue entre tout un chacun, nous saurons en faire une ère d’émerveillement.